Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/76

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toutes les raisons qui se présentent en foule à mon esprit. Je vais pourtant tâcher, en répondant à tous les articles de votre lettre [du 22 novembre], de vous donner une idée exacte de la disposition actuelle des affaires.

« Vous croyez Salabet j. solidement affermi dans sa place par la mort de Gaziudin kh. et de son fils ; mais non seulement il se trouve faux que ce dernier ait été assassiné, mais il fait jouer aujourd’hui toutes sortes de ressorts pour obtenir du Patcha (le Mogol) le firman qu’il avait accordé à son père ; il ne sera pas sans doute le seul à briguer ce beau gouvernement et il faut s’attendre tôt ou tard à voir paraître sur la scène quelque nouveau concurrent. Balagirao pourra pendant quelque temps s’opposer à leur brigue et appuyer le parti de Salabet j. mais ce sera peut-être faiblement, il ne sera pas fâché d’avoir deux compétiteurs qui lui fourniront l’occasion de s’agrandir en vendant bien cher sa protection à celui des deux qu’il jugera à propos de favoriser ; j’ai cependant lieu de compter sur sa bonne foi.

« Je vous suis caution, Monsieur, de la reconnaissance de Salabet j. et qu’il est entièrement livré aux Français ; mais vous ne vous êtes point trompé en pensant qu’il ne manquerait pas de mauvais conseillers qui s’étudieraient à lui donner des leçons d’ingratitude et feraient tous leurs efforts pour le détacher de nous. »

Bussy faisait ensuite un tableau de l’anarchie qui régnait dans l’empire mogol.

« Vous ne devriez pas ignorer, disait-il, que le gouvernement mogol est une véritable anarchie ; les soubas ne tiennent guère compte des ordres du Patcha, quand ils peuvent s’y soustraire impunément et Salabet j. s’est trouvé lui-même dans ce cas pendant quelque temps. Les chefs particuliers suivent leur exemple : ils ne se croient pas plus obligés d’être soumis aux nababs que ceux-ci à leur empereur. Ces peuples qui n’ont aucune idée de l’admirable subordination qui règne dans les États d’Europe, sont bien éloignés de traiter de rebelle un