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Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/33

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LE MUSICIEN DE PROVINCE

dant trois hivers, M. Grillé vint diriger un orchestre d’amateurs.

Nos réunions du samedi me firent détester les cartes, la politique et les potins. Elles ajoutèrent aux études classiques que me faisait goûter M. Grillé, des éléments de comparaison, récréations intelligentes qui excitaient le goût sans le gâter.

De même que la lecture des romans de Jules Verne, de Dumas et d’Erckmann-Chatrian ne diminuait en rien mon enthousiasme pour Racine ou pour Flaubert et développait au contraire en moi les facultés d’imagination qui aident à mieux saisir la partie vraiement artistique des œuvres, de même notre répertoire de musique populaire, parallèle aux classiques des leçons particulières, parfaisait ces études et me révélait grâce à des rythmes faciles, la joie d’interpréter et l’incomparable puissance de l’orchestre.

Enfin, je dois l’avouer, un plaisir d’un autre genre complétait pour moi ces séances. Les hommes que je voyais se livrer à ce passe-temps artistique m’étaient jusqu’alors apparus tous ou presque tous dans des fonctions graves. Et quoiqu’ils fussent venus là pour s’amuser, le jeu cependant nécessitait une petite somme de cette gravité qu’ils donnaient ailleurs et à des heures nombreuses au travail et aux affaires. Je leur en savais gré et les admirais