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LE MUSICIEN DE PROVINCE

même jusqu’à un certain point. Je les observais dans leurs passagères fonctions et ne me lassais pas d’examiner leurs poses, d’écouter les réflexions émues quand ça avait bien marché ou les manifestations d’inquiétude devant les passages trop chargés.

À huit heures et demie, arrivaient les musiciens de l’orchestre, une pianiste, deux violons et un alto. M. Grillé faisait la partie de violoncelle et moi une partie de troisième violon qui n’était pas le premier, mais qui n’était pas le second : « C’est celle, me disait M. Grillé, d’un violon sur la rive du premier violon, je l’ai arrangée selon votre force. »

Et quelle ne fut pas ma stupéfaction, en ouvrant, à la première séance, le cahier qui m’était destiné, de lire en tête : 1er VIOLON RIPIANE.

M. Grillé arrivait assez exactement. L’hiver, lorsqu’un froid un peu vif se faisait sentir, il mettait sur ses épaules une des couvertures de voyage qui recouvraient ordinairement son harmonium : « J’ai mis mon plaid », disait-il. Le plaid formait un amas énorme, gris rayé de rouge, d’où émergeait le chapeau haut-de-forme du professeur.

Après s’être défait de son plaid, M. Grillé entrait, se prosternait devant la maîtresse de la maison avec sa phrase habituelle : « Je vous présente, Madame, mes civilités ! »

L’attitude de M. Grillé, à ces soirées, était