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LE MUSICIEN DE PROVINCE

Octave tournait de droite et de gauche ses yeux fins, cherchait des prétextes d’observation, disait un mot, riait ensuite de l’insuffisance de son mot, comme heureux de se contenter de si peu de chose. Roger, avec sa mise sévère, un peu grave, rêvait d’imprévu, s’appliquait à donner de l’importance à tout ce qui pouvait créer une diversion à la monotonie de la vie de province.

Si une troupe de passage donnait une représentation à Turturelle, on voyait les deux amis à la gare, à l’heure du train de Paris. Ils regardaient sous le nez les acteurs et les actrices, supputaient les chances d’une bonne ou d’une mauvaise représentation, selon les têtes et les allures qu’ils étudiaient.

Et quand, le soir, au théâtre, ils constataient qu’ils s’étaient horriblement trompés, que l’artiste qu’ils avaient supposée chargée d’un rôle important, n’avait que trois mots à dire, ils pouffaient comme des écoliers ; il arrivait qu’on leur criât de se taire.

Les Turturellois n’aimaient pas les enfantillages de Celine, trouvaient qu’il avait l’air de se moquer du monde.

On disait que le jeune Roger se compromettait dans la compagnie de ce bohème, parce qu’on les rencontrait, entre quatre et six heures de l’après-midi, dans les coulisses d’un théâtre, dans les écuries d’un cirque ou aux abords