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LE MUSICIEN DE PROVINCE

affectait ordinairement un profond mépris, parce qu’on ne voyait en lui qu’un petit compositeur.

Et Bergeat me demanda de l’accompagner chez M. Grillé qui habitait au Grand Théâtre trois misérables mansardes.

Dans l’une d’elles se trouvaient les débris de ses souvenirs d’artiste : les grenouilles qui n’étaient plus que cinq ou six, d’ailleurs mutilées, ébréchées et salies ; les boîtes de couronnes entassées les unes sur les autres, dans un coin, ne pouvant même plus être accrochées à cause de la faiblesse des cloisons et du plafond trop bas.

Mozart et Beethoven occupaient encore la place d’honneur, mais le mauvais jour et le voisinage d’un affreux papier bleu faisaient ressortir davantage la médiocrité de leurs effigies.

Les découpures de journaux et les photographies trimballées dans les malles, s’étaient usées et déchirées. L’aspect de tous ces restes était triste et laid.

Le père Grillé conservait, au milieu de cette détresse, ses manières cérémonieuses et affables et donnait ses leçons avec la même conscience qu’autrefois. Seulement il était stupéfait lorsqu’il apprenait qu’un de ses confrères venait de recevoir les palmes académiques ou avait été gratifié d’un poste à l’école de musique de Turturelle, alors qu’on ne lui avait jamais rien offert de ce genre… « Rien, faisait-il en se frap-