Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/100

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qu’ils soyent, ont encore la coutume de ne donner que des acomptes fort minces à leurs troupes, par l’espérance, sans doute, qu’elles serviront fidèlement dans la crainte de perdre ce qui leur est dû d’arrérages ; ce n’est pas en cela qu’est le mal, car dans un pays où tout est personnel, ou l’honneur, l’attachement, la reconnoissance ne sont comptés pour rien, la régularité de la paye n’empêcheroit pas un chef de trahir son maître, et de passer au service de quiconque lui feroit entrevoir un avantage. Il faut donc un lien, et la retenue de la paye en est un fort bon pour contenir des gens aussi attachés à la matière ; mais pour qu’il n’en résulte aucun mal, il faudroit, du moins qu’on fût exact à payer ces arrérages, lorsqu’on congédie les troupes, et c’est précisément ce qu’on ne fait pas. Il y a toujours quelques chefs de confiance qu’on satisfait autant qu’il est possible ; mais tous les autres, par conséquent les officiers et les soldats qui en dépendent, ne reçoivent jamais au delà de deux tiers de leur paye ; souvent même, ils n’en touchent que le quart. On peut juger de là quel tapage il doit y avoir lorsqu’il s’agit de licencier toute une armée ; aussi quelquefois une révolution s’ensuit, dont le général ou le nabab même devient la victime. Pour éviter les inconvénients, on ne congédie que petit à petit, aujourdhui un chef, quelques jours après un autre, et le soubahdar a grand soin de commencer cette opération avant que d’annoncer