Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/99

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grâce ou faveur. Ce n’est donc qu’à la personne dont on mange le sel, comme disent les Indiens, que le soldat s’attache, il ne s’avise pas de remonter jusqu’au prince, ni même jusqu’au soubahdar ; il ne pense pas que l’argent qu’il reçoit fait partie des revenus de la province qui dépend du soubahdar et appartient à l’empereur ; il dit simplement, c’est un tel qui me paye, c’est lui que je dois servir ; de là, ce qui est désertion parmi nous, n’est rien dans l’Inde ; un soldat peut se battre contre son prince, son soubahdar, on n’y fera pas attention ; s’il est pris, il en est quitte pour dire qu’il ne pouvoit pas gagner sa vie autrement. Le général, les chefs qui sont directement commissionnés et payés par le prince et le viceroi sont sans doute dans l’obligation de se sacrifier pour eux ; mais si dans une action le prince ou le viceroi vient à être tué, ils se croyent dispensés de se battre, ils se retirent de côté ou prennent la fuite ; il en est de même dans les rangs inférieurs, le soldat ne connoit que le chef ou l’officier qui l’a engagé, et dont il reçoit la paye, il se battra tant qu’il le verra devant lui, mais s’il déserte, il le suivra sans réflexion ; s’il est tué, il prendra la fuite quand ce seroit sous les yeux du prince même ou du soubahdar ; et la raison est assez bonne ; cet officier mort, le soldat n’est plus rien, il n’a plus un sol à prétendre, il faut qu’il fasse un nouvel engagement.

Les commandants dans l’Inde, de quelque rang