Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/109

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s’en emparer entièrement ; à l’exception des provinces qui lui appartiennent où la douceur du gouvernement européen se fait sentir, autant du moins que le peuvent permettre des tems si voisins de la révolution le reste, on peut dire, est l’image parfaite du désordre.

Le nabab d’aujourd’hui ne doit son élévation qu’à une idée de convenance qu’y trouvent les Anglois ; il sent bien que cette idée peut changer d’un jour à l’autre, et ne pense qu’à amasser de l’argent, seul moyen de se soutenir ou du moins de se consoler, s’il faut céder la place ; toutes les voyes lui sont bonnes. Les commandants des départemens, les zémindars surchargés se rejettent sur le peuple qui est accablé ; l’administration de la justice est suspendue ; chaque petit gouverneur évoque les affaires à son tribunal particulier et les juge sur ses propres intérêts ; celui qui donne le plus a toujours raison ; les plaintes sont inutiles. En effet à qui se plaindroit-on ? à moins que ce ne fût aux Anglois. Ils sont bien en état, il est vrai, de remédier aux abus et de forcer le nabab à une conduite moins tyrannique, mais la politique angloise ne s’y oppose-t-elle pas ? Naturellement les Anglois doivent voir avec plaisir le trouble et le mécontentement régner dans des provinces qu’ils trouvent à leur bienséance. La comparaison que l’habitant fait de sa misère avec le bonheur et la tranquilité de ceux qui sont sous le gouvernement anglois ne peut tourner qu’à