Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/112

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fourbe, ambitieux au suprême degré ; mais il étoit brave, propre à bien commander une armée. Il connoissoit parfaitement les intérêts de son gouvernement, favorisoit le pauvre marchand, et rendoit asses bonne justice, lorsque les plaintes pouvoient lui parvenir. Un de ses grands défauts étoit de laisser trop de pouvoir à ses ministres qui en abusoient. C’est un vice général dans toute l’Inde ; il n’y a pas de département si petit qu’il soit, qui ne soit exposé aux vexations des ministres subalternes. La coutume des maitres est de ne rien faire par eux-mêmes ; le moindre zémindar a ses écrivains avec lesquels il faut traiter.

Alaverdikhan n’en étoit pas moins jaloux de son autorité ; il affectoit surtout une grande indépendance lorsqu’il s’agissoit de quelque affaire entre lui et les Européens. Lui parler de firmans, de privilèges obtenus de l’empereur, c’étoit le vrai moyen de l’aigrir. Il savoit bien dire dans l’occasion qu’il étoit tout, roi et vizir : il vouloit être flaté.

Il voyoit avec autant d’indignation que de surprise les progrès des nations françoise et angloise, à la côte Coromandel, ainsi que dans le Dekan où, par le moyen de ses arcaras il n’ignoroit rien de ce qui se passoit. La comparaison qu’il faisoit de ses provinces, avec les troubles qui agitoient la presqu’isle depuis tant d’années, et qu’il attribuoit sans doute à la foiblesse des gouverneurs, ne contribuoit pas peu à flater son amour-propre.