Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/134

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L’un d’eux ayant apperçu à la ceinture de son camarade un pistolet, s’en saisit et le tira sur les Maures qui paroissoient à l’ouverture. Le pistolet n’étoit chargé qu’à poudre, malgré cela la peur qu’eut la garde fit qu’on présenta sur le champ entre les barreaux plusieurs fusils, dont on fit quelques décharges. C’étoit tout ce que désiroient les [malheureux] prisonniers ; chaque coup de fusil étoit un coup de grâce qu’ils s’entredisputoient.

Les Maures cependant contemploient avec satisfaction cette scène d’horreur, qui se passoit dans le cachot. C’étoit pour eux un tamacha[1]. Pour en augmenter le plaisir, ils imaginèrent de jetter au pied de la fenêtre, en dehors, un tas de paille mouillée à laquelle on mit le feu. L’air extérieur chassoit toute la fumée dans le cachot ; mais l’espérance des Maures fut trompée, ils ne voyoient plus rien. D’ailleurs à l’exception de huit ou dix qui eurent la force de soutenir un si terrible assaut, tous les prisonniers furent bientôt hors d’état d’amuser leurs bourreaux ; ils étoient ou morts ou mourants. Enfin, pour terminer une scène aussi tragique, le lendemain, lorsque le nabab donna l’ordre d’ouvrir la prison, des 146 qui y avoient été enfermés, on n’en tira que 23 qui donnoient

  1. Ce mot est très usité dans toute l’Inde, on l’applique à tout événement qui excite la curiosité : une querelle entre deux passants, une charrette embourbée, un convoi funèbre, une mascarade, tout cela est tamacha.