Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/143

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Mort de Saokotdjingue.

Les deux armées ennemies étant assez proches l’une de l’autre, Saokotdjingue fut informé par ses arcaras que Souradjotdola étoit à la tête d’un corps de cavalerie qui paroissoit sur une éminence ; animé par la présence de son ennemi, et voulant décider avec lui seul du sort de la journée, Saokotdjingue quitte son armée, joint deux ou trois cens cavaliers qui formoient son avant-garde et se précipite sur l’ennemi, criant : « c’est le soubahdar que je cherche. » Mirdjafer qui commandoit ce détachement, au désespoir de la méprise, se hâta de répondre que le soubahdar n’y étoit pas, mais il n’étoit plus tems, l’affaire étoit déjà engagée, et dans la mêlée, Soakotdjingue reçut un coup de feu qui l’étendit mort. La nouvelle donna autant de surprise que de joie à Souradjotdola, qui, tremblant sur quelques avis de ce qui s’étoit tramé, étoit resté dans sa tente à plus d’une lieue de l’armée. Le voilà donc par cet événement débarrassé de toutes inquiétudes, détesté il est vrai, mais redouté même de ceux qui ne le connoissoient que de nom. Dans un pays où la prédestination a tant de pouvoir sur les esprits, l’étoile de Souradjotdola étoit dominante, disoit-on, rien ne pourra lui résister. Il en étoit lui-même persuadé ; sûr du bonheur qui l’accompagnoit, il s’abandonna plus que jamais à ses passions qui le portèrent à toutes les violences qu’on peut imaginer.