Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/169

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que malheureusement j’en ai été que trop bon prophète. Ce n’est ici qu’une répétition de ce que j’ai dit avant la révolution ; il m’étoit assez aisé de la prévoir par les connaissances particulières que j’ai des Anglois et des gens du pays.

On a déjà vu que les Chets n’étoient pas contents de Souradjotdola qui n’avoit pas pour eux les mêmes égards que l’ancien nabab Alaverdikhan, mais l’arrivée des forces angloises, la prise des places maures, l’épouvante du nabab devant Calcutta avoient fait un changement qui paroissoit leur être favorable. Le nabab commençoit à s’apercevoir que ces banquiers lui étoient nécessaires. Les Anglois n’avoient voulu qu’eux comme médiateurs, et par là ils étoient devenus en quelque façon les garants tant de la conduite du nabab que de celle des Anglois. Aussi depuis la paix ce n’étoient qu’amitiés, politesses de la part du nabab ; il les consultoit en tout. Mais au fond ce n’étoit que fourberie. Le nabab qui détestoit les Anglois, devoit naturellement détester aussi les personnes qu’ils employoient ; les Chets ne l’ignoraient pas. Profitant de la haine que Souradjotdola s’étoit attiré par ses violences, et répandant l’argent à propos, ils avoient depuis longtems gagné tout ceux qui approchoient ce soubahdar, dont l’imprudence les mettoit toujours dans le cas de connoître sa façon de penser. Les conséquences étoient aisées à tirer de tout ce qu’ils apprenoient et devoient les faire trembler. Il ne s’agissoit pas moins