Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/178

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Je mets d’abord le nabab ; assurément la haine qu’il portoit aux Anglois supposoit de l’amitié pour nous, j’en conviens. Mais on a vu le caractère de ce nabab, la disposition des esprits d’un chacun à son égard. Je demande de bonne foy si nous pouvions tirer parti de son amitié. Cet esprit dompté par la crainte, irrésolu, imprudent, pouvoit-il seul nous être de quelque utilité ? Il auroit fallu du moins être appuyé de quelqu’un qui eut sa confiance, et capable par sa fermeté, de fixer l’irrésolution de ce seigneur.

Mohontal, premier divan de Souradjotdola, étoit cet homme, le plus grand coquin que la terre ait jamais porté, digne ministre d’un tel nabab ; mais enfin c’étoit le seul qui lui fut véritablement attaché. Il avoit de la fermeté, et assés de jugement pour concevoir que la perte de Souradjotdola entrainoit nécessairement la sienne ; il étoit détesté tout autant que son maître. Ennemi juré des Chets et capable de leur tenir tête, si cet homme avoit pu agir, je crois que ces saokars ne seroient pas venu si facilement à bout de leur projet. Mais malheureusement pour nous il étoit depuis quelque tems [et surtout dans ces moments critiques où nous étions], dangereusement malade, il ne pouvoit sortir de chez lui. Je fus le voir deux fois avec Souradjotdola, il ne fut pas possible de tirer de lui une parole. On soupçonnoit même qu’il était empoisonné. Par là, Souradjotdola se voyoit privé de son unique soutien.