Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/201

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moment où je m’y attendois le moins, j’eus la satisfaction de voir des officiers et beaucoup de soldats arriver par petites bandes de cinq, six, tantôt plus tantôt moins, mais tous nuds et si harassés qu’à peine pouvoient-ils se soutenir. Plusieurs manquoient d’armes. Je fis tout ce qui dépendoit de moi pour les soulager. Heureusement il me restoit encore quelque argent à moi et à quelques particuliers ; j’en fis usage pour ranimer le courage des nouveaux arrivés et pour leur procurer le nécessaire.

Chandernagor fut pris le 23 mars ; à la fin du même mois ou au commencement d’avril, je comptois déjà près de 60 Européens dans la garnison, dont la moitié à la vérité n’étoit pas en état d’agir. Mais n’importe, ce nombre de 60 en valoit 120 au dehors par la renommée qui se plaît à augmenter. De plus nos sipayes avoient trouvé aussi le moyen de s’échaper. Il en étoit venu une trentaine. Tout cela n’accommodoit pas les Anglois ; bientôt je n’eus plus rien à craindre de ceux de Cassembazard. Ils eurent à craindre à leur tour. Étant informés qu’il y avoit encore du monde par les chemins, ils prirent des fusiliers du pays, mirent tout en œuvre pour débaucher nos soldats, et sollicitèrent tellement [au dorbar] tant par promesses que par menaces, que j’eus ordre positif de ne rien entreprendre contr’eux. Le nabab que la peur dominoit au point qu’il n’est point possible d’exprimer, envoya un de ses officiers du