Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/204

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sipayes. Mais le but auquel ils tendoient avec le plus d’ardeur étoit de débaucher nos soldats. Pour éviter cet inconvénient, je voulois tenir mes gens continuellement dans la loge ; je leur faisois distribuer du pain, du ris, de la viande, de l’araque, enfin tout ce qui leur étoit nécessaire. Mais le moyen de tenir enfermée dans un endroit aussi foible une troupe de soldats échapés d’un siège, presque tous déserteurs des Anglois ? Ils savoient aussi bien que moi ce qui se passoit, connoissant le peu de fermeté ou la lâcheté du nabab ; ils prirent aisément l’idée qu’on vouloit les sacrifier et les livrer aux Anglois ; de tems en tems, il leur parvenoit, malgré toutes les précautions des officiers, des billets que nos ennemis faisoient écrire pour les épouvanter ; plusieurs de nos soldats sautèrent des murs et se retirèrent où ils se crurent plus en sûreté. Nos sipayes étant venu me joindre, je pris le parti d’établir des corps de garde dans l’enceinte de l’aldée (village), après quoi, je donnai quelque liberté aux soldats, dont plusieurs profitèrent plus que je n’aurois voulu. Malgré cela par la bonne conduite et l’attention des officiers qui étaient avec moi, nous vînmes à bout de calmer l’esprit inquiet du soldat. Nous surprîmes quelques espions qui furent punis sur le champ, et le cours des billets fût arrêté.