Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/225

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Ce Midjaferalikhan étoit depuis bien des années bokchis ou généralissime des troupes. Il avoit eu la confiance particulière de défunt Alaverdikhan qui, en mourant, lui recommanda Souradjotdola, et le fit jurer sur l’Alcoran de ne jamais l’abandonner. Son dessein étoit bien, je crois, de tenir sa parole.

Mirdjafer avoit toujours passé pour un brave homme et d’une exacte probité. Sans lui Souradjotdola n’auroit jamais été nabab. Lui seul étoit son soutien ; il devoit donc avoir les plus grands égards pour ce général. Mais il auroit fallu pour cela changer son naturel fougueux et ennemi de toute contrainte et de tous ceux qui, par leur rang, étoient en droit de lui faire des représentations. Les injures les plus grossières, les plus piquantes, ne lui coutoient rien. Mirdjafer, favori d’Alaverdikhan, avoit bien de la peine à s’accoutumer à être maltraité. Il n’y avoit que le respect dû à la mémoire de son ancien maître et le souvenir du serment qu’il avoit fait qui pouvoient l’engager à souffrir patiemment le mauvais traitement qu’on lui faisoit. À la fin, cependant, il fût poussé à bout. Souradjotdola, je ne sçais par quel caprice (je crois que le raja Mohoulal[1] y entroit pour quelque chose) après avoir donné à Mirdjafer Alikhan les épithètes les plus insultantes en plein dorbar, lui ôta sa

  1. C’étoit à la rentrée de Mohoutal au dorbar. Cet homme, à ce qu’on m’a dit, après avoir surmonté par les plus grands efforts la malignité du poison qu’on lui avoit fait prendre, commençoit à se rétablir, mais sa raison n’y étoit plus.