Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/273

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du laboureur. Nous fûmes témoins à deux journées de Laknaor du ravage que fait cet insecte. Il faisoit le plus beau tems. Tout à coup nous vîmes le ciel se couvrir ; une obscurité semblable à une éclipse totale se répandit et dura une bonne heure. Nous vîmes en moins de rien les arbres sous lesquels nous étions campés dépouillés de leurs feuilles. Le lendemain, chemin faisant, nous remarquâmes le même effet pendant plus de cinq cosses, l’herbe des chemins et ce qu’il y avoit de verdure dans les champs rongé jusqu’à la racine. Un pareil fléau renouvellé avoit fait fuir tous les habitants, même ceux qui avoient tenu bon contre les vexations des gens de guerre. Les villes, les villages étoient abandonnés, le peu de monde qui restoit, je peux dire sans exagération, ne servoit qu’à augmenter l’horreur de cette solitude ; on ne voyoit que des spectres.

L’état du peuple de Laknaor, résidence du nabab n’étoit guère meilleur ; le mal étoit peut-être moins sensible à cause de la variété des objets, mais la nature ne souffroit pas moins de ce qu’elle appercevoit de tems en tems. Les environs du palais étoient jonchés de pauvres malades étendus au milieu du chemin, tellement qu’il n’étoit pas possible au nabab de sortir sans faire passer son éléphant sur le corps de plusieurs, à moins qu’il n’eut eu la patience de les faire transporter, ce qui ne s’accorde pas avec le faste oriental ; malgré cela il arrivoit peu de malheur ; l’animal conduisoit