Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/281

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ci-dessus ne refuseroit pas ces châles pour gages, je me déterminai à les acheter payables à terme. On peut croire que le marché fut bientôt fait, il n’y eut aucune difficulté de ma part, je prétendis même une ignorance parfaite et m’en remettre entièrement à la bonne foy du mogol, en lui faisant entendre cependant que s’il me trompoit je trouverois bien le moyen de l’en faire repentir par la suite. Celui-ci s’imaginant que je n’aurois occasion d’examiner les châles que dans le Bengale, où il croyoit que je devois bientôt retourner, mît tel prix qu’il jugea à propos, et prit de moi charitablement un billet de six mille roupies pour des châles qui n’en valoient pas trois mille et pour lesquels je ne pus avoir du saokar qu’un emprunt de deux mille cinq cens roupies. Le plaisir d’avoir entre mes mains de quoi conserver mon monde encore quelques jours me fît passer légèrement sur toutes les réflexions que ce mauvois marché devoit faire naître. Heureusement, sur la fin de Décembre, il me vint quelque argent avec lequel je retirai bien vite les châles qui étoient en gages, je cherchai à les vendre, mais inutilement. Chacun me disoit qu’on m’avoit trompé, ce que je savois bien. Sur quoi je fis venir le marchand mogol et menaçai de porter mes plaintes à Mahmoudcoulikhan. L’affaire fût mise en arbitrage, et le marchand convaincu de sa mauvaise foy reprit ses châles moyennant quelque chose que je lui donnai pour le tems que je les avois eu entre mes mains.