Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/342

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seigneurs dans l’Inde se dégoûtent aisément de ce qu’ils ont et n’en ont aucun soin. Ils sont curieux de tout ce qui est nouveau, mais lorsqu’ils en sont en possession, leur plaisir est bientôt passé, ils jettent à l’écart les choses qu’ils ont le plus désirées. Cela est assez dans le caractère de l’homme en général, mais cette façon de penser est plus remarquable dans l’Inde. Alaverdikhan, ancien soubahdar du Bengale, avoit partout des espions pour s’informer de ce que les vaisseaux apportoient de curieux, et devenoit importun à l’excès pour l’avoir ; jusques là que je l’ai vu au moment de faire investir nos Établissemens pour un misérable chat de Perse. Il eût été moins empressé s’il avoit fallu payer tout ce qu’on lui apportoit, mais tout alloit chez lui à titre de présents de la part, soit des Européens, soit de quantité de gens de tous les rangs, qui pour obtenir ses bonnes grâces étoient obligés de lui en faire, et qui pour cet effet, venoient prendre dans les magazins européens tout ce qui pouvoit leur convenir. Il avoit des effets précieux de toutes espèces en quantité. Cependant, on ne voyoit rien dans son palais, tout étoit entassé avec la plus grande négligence dans quelques magazins. Ce qu’on lui donnoit l’amusoit trois ou quatre jours, après quoi il n’y pensoit plus. Si on lui apportoit quelque pendule curieuse, il en paroissoit enchanté, surtout lorsqu’elle étoit à carillon où à orgue, mais il étoit continuellement après, si bien qu’en peu de tems,