Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/389

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l’armée, et en avant sur deux lignes on voyoit les officiers subalternes, tous dans le plus grand silence, les bras croisés, témoignant par leur maintien le respect qu’exigeoit la présence du prince. En général on remarquoit un air de grandeur à laquelle on pourroit bien donner l’épithète de misérable, car la tente et tout l’attirail étoit en très mauvais état.

Le prince paroissoit avoir 36 ans. Il est d’une taille au dessus de la moyenne, d’une assés belle physionomie, mais d’un noir qui me surprit d’autant plus que dans mon idée, il devoit être de la couleur des Mogols ou Tartares, qui sont aussi blancs que quelques nations européennes, mais je sçus bientôt que l’empereur son père étoit tout aussi noir, et que beaucoup de princes et princesses de la famille royale sont à peu près de la même couleur, ce qui est du à un sang mêlé par la quantité de filles de raja que les princes mogols ont eues soit pour femmes soit pour concubines. Le chazada en question passe pour un de ceux qui ont eu la plus belle éducation et qui en ont le mieux profité. Elle consiste particulièrement dans la connoissance de la religion, celle des langues orientales, celle de l’histoire, à bien faire ses exercices académiques et en effet tout ce que j’ai pu appercevoir décide en sa faveur. Les langues arabes, turques, persanes et indoustanes lui sont familières. Il aime la lecture et ne passe point de jour sans y employer quelques heures. À l’égard de l’histoire,