Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/457

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siège dont le colonel Clive étoit instruit. Je crûs qu’il ne convenoit pas d’avancer sans savoir à quoi m’en tenir. Je me méfiois de quelque trahison, avec d’autant plus de raison que dans le peu de tems que M. Lenoir avoit passé au camp du chazada à Eleabad, beaucoup de personnes lui avoient dit que nous ne devions pas nous flatter d’engager ce prince à se battre contre les Anglois ; je me décidai donc à faire quelque séjour à Bénarès et j’écrivis au prince tout ce que je pensois sur la conduite que Mahmoudcoulikhan tenoit à mon égard.

Pendant mon séjour en cet endroit, je fis quelques visites au Pyr Cheikmahmoudaly de qui je croyois avoir gagné l’amitié par quelques petits présents ; sa réputation de sainteté étoit si bien établie, et sa manière de vivre si singulière, ne faisant rien paroitre de ce qu’on nomme ménage, que tout le peuple de Bénarès étoit persuadé qu’il ne se nourrissoit que de ce qu’un ange lui apportoit à certaines heures dans la nuit. Il prenoit souvent le ton prophétique qu’il soutenoit au mieux tant par son maintien que par une mémoire ornée et une élocution capable de séduire. Ce qu’il y a de sur, c’est que je n’ai pu le trouver en défaut sur bien des choses que j’ignorois alors, et qu’il m’avoit avancées d’un air d’assurance qui devoit me surprendre sur les affaires du tems, sur ce qui pouvoit me regarder et le petit corps que je commandois. « Non, Monsieur, me disoit-il [un jour], vos vues sont sans doute bonnes et louables, elles méritent