Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/52

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tirait avec un cadeau de 20 à 30.000 roupies et il était rare qu’annuellement on ne donnât pas ainsi au nabab de 150 à 200.000 francs. Aucun établissement n’eut pu survivre à de pareilles libéralités, si le commerce n’eut laissé des bénéfices extraordinaires[1]. La main-d’œuvre n’était pas chère ; elle ne l’est pas beaucoup plus aujourd’hui ; les produits s’achetaient bon marché et se vendaient un gros prix ; il n’est pas surprenant que, malgré l’insécurité politique de ce pays, la compagnie des Indes ait fait les plus grands efforts pour s’y établir et pour y rester.

La vie était facile pour les agents ; on y menait à bon compte un train de grand seigneur. La nature était clémente, sauf pendant

  1. On estime que la Compagnie envoyait en moyenne chaque année dans l’Inde entière 12 millions de marchandises et de numéraire ; et que ces 12 millions rapportaient 6 millions de bénéfices nets ; mais avec ces 6 millions, il fallait pourvoir aux dépenses d’administration en France qui s’élevaient à 2 millions et demi ; l’administration des postes dans l’Inde, avec ses dépenses régulières et ses libéralités forcées, en absorbait davantage ; il restait en réalité fort peu de chose pour constituer une réserve avec laquelle on put entreprendre dans de bonnes conditions les opérations commerciales de l’année suivante.

    Ces capitaux étaient insuffisants pour procurer à la Compagnie des dividendes appréciables ; il eut fallu en envoyer davantage. En 1714, à une époque où les affaires de la Compagnie étaient loin d’être prospères, il se consommait en France 16 millions de soieries de l’Inde et en 1787, il s’en consommait jusqu’à 60 millions. On ne saurait donc considérer la période dont nous nous occupons comme une période particulièrement florissante.