Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/525

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le tout dans la plus grande confusion ; on ne reconnoissoit aucune disposition de droite, de gauche, et du centre, rien qui eût l’air d’une armée qui veut attaquer ou même se défendre.

Un aide de camp m’apporta du général l’ordre de marcher en avant avec toute ma troupe, et de me placer dans un endroit qu’on me montra, éloigné de plus d’une grande portée de canon où, abandonnés à nous même, nous devions être exposés à tout le feu de l’artillerie angloise et même à être tournés par l’ennemi et à être enlevés d’un premier coup de main. [Nous fîmes quelques pas en avant pour obéir à l’ordre, mais ne voyant aucune disposition pour nous soutenir, je me doutois qu’on avoit envie de se débarasser de nous.] Je vis bien que c’étoit nous livrer. Je crus devoir rester où j’avois d’abord placé la troupe et le canon, sur une ligne à deux cens pas environ en avant de l’armée. D’ailleurs l’ennemi s’avançoit toujours. Les Anglois en tête, avec toute leur artillerie se trouvoient déjà à portée de nos pièces. Ils mirent au plus vite leurs canons en batterie, de droite et de gauche, d’où partit un feu croisé des plus vifs qui, en moins d’un quart d’heure, ayant tué beaucoup de monde, plusieurs éléphants et chevaux, entre-autres un des miens, fit faire volte face à l’armée du prince. Camgarkhan à la tête prit la fuite à toutes jambes sans laisser qui que ce soit pour nous soutenir. Le feu de l’ennemi vis à vis duquel le nôtre ne brilloit pas continuoit toujours ; nous n’eûmes d’autre