Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/86

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rendre si formidable, qu’on s’imaginoit toujours le voir, quelque éloigné qu’il fût.

On ne voyoit pas de son tems la pluralité des soubahs dans une seule personne : chaque soubah ou viceroyauté, suivant sa grandeur, contient plus ou moins de provinces qui sont distribuées, tant à des Maures sous le titre de fodjedars ou hamaldars qu’à des Gentils sous celui de rajas. Parmi les rajas, il y en a même beaucoup à qui la province appartient comme héritage, sous condition de payer tous les ans une certaine somme au viceroi ; mais il y a toujours de la mauvaise volonté à remplir la condition ; il faut donc que le viceroi se mette en campagne, sans quoi point de revenus ; le viceroi, de son côté, ne fera point parvenir ces revenus à la cour s’il n’est persuadé que le prince est en état de le punir du moindre retardement. C’est cette persuasion qu’Aurengzeib avoit pris soin de bien établir dans le commencement de son règne, de sorte que pendant une longue suite d’années, l’ordre du prince suffisoit ; un seul officier qu’il faisoit partir avec deux ou trois cent cavaliers pour l’escorte de la zamas, étoit reçu partout avec le plus grand respect, et passoit, sans rien craindre, par les terres de plusieurs vicerois ; le peuple étoit heureux, il n’y avoit que les comptables qui fussent inquiétés ; le paysan de la partie la plus reculée pouvoit facilement, sans sortir de son village, faire parvenir sa plainte au pied du trône par le canal des