Page:Martinov - De la langue russe dans le culte catholique, 1874.djvu/71

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cessait d’être un mot vide de sens ; s’il était seulement permis de se servir de la langue russe ailleurs que dans les provinces occidentales, par exemple, à Saint-Pétersbourg[1], à Moscou, à Odessa, partout où il y a des catholiques russes ; ou bien, si le droit d’imprimer des livres russes à l’usage des catholiques n’était pas un monopole réservé au gouvernement, etc., etc..., assurément l’ordonnance de 1869 aurait pu être regardée alors comme une mesure vraiment libérale et bienfaisante. Aujourd’hui elle n’inspire que de la répulsion. Réprouvée par l’épiscopat, rejetée par la partie saine du clergé, elle paraît suspecte aux populations elles-mêmes qui n’ont point oublié la manière dont le gouvernement s’y était pris en 1839 pour abolir l’Église grecque-unie en Lithuanie. Elles s’en souviennent si bien, que leur bon sens y puise le principal argument contre l’introduction de la langue officielle dans le culte. En effet, quiconque voudra examiner la question de près et se rappeler que le formalisme est un caractère distinctif de l’Église russe, que pour le peuple le rite c’est tout, celui-là ne tardera pas à arriver à cette conclusion, pour moi évidente, que la langue joue ici le même rôle que le rite jouait on 1839 et qu’il continue à jouer dans le diocèse de Khelm, en d’autres termes que c’est un pont jeté pour passer au schisme.

On voit, par là, combien sont exagérées les craintes du danger dont la propagande catholique menacerait l’Eglise dominante. Les auteurs des quatre mémoires en font un véritable épouvantail, oubliant que la langue russe est une épée a deux tranchants dont la poignée est entre les mains vigoureuses du gouvernement. D’ailleurs, puisque l’Église russe est, d’après eux, la véritable, qu’a-t-elle à craindre ?

C’est ainsi que pense M. Georges Samarine, dont nous nous plaisons a invoquer ici le témoignage.

« L’Église orthodoxe, écrit-il, établie sur la liberté, n’a à craindre aucune liberté de qui que ce soit. Elle doit craindre non pas la lutte contre les ennemis qui l’attaqueraient en toute liberté et

  1. Il paraîtrait que depuis quelque temps un pasteur luthérien, nommé Masing (fils) prêche en russe dans un oratoire de la capitale, situé sur la rive droite de la Néva, et que des Russes orthodoxes, y compris leurs prêtres, viennent y assister en grand nombre (Wurstemberger, La liberté de conscience en Russie et l’Alliance évangélique, p. 232, Berlin, 1873).