Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/142

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rapport au monde, le seul accomplissement de son enseignement du bien est une toute autre subjectivité que lorsque Kant met en place son impératif catégorique. Il est indifférent pour celui-ci que ce support se rapporte à cet impératif en tant que sujet empirique[1].

Le mouvement devient chez Platon un mouvement idéel ; de même que Socrate est l’image du monde et son professeur, de même les idées de Platon, son abstraction philosophique sont les archétypes de ce monde.

Dans Platon, cette détermination abstraite du bien, du but, éclate en une philosophie extensive, enveloppant le monde. Le but, en tant que détermination en soi et le véritable vouloir du philosophe est la pensée, et les déterminations réelles de ce bien sont les pensées immanentes. Le véritable vouloir du philosophe, l’idéalité active en lui est le véritable devoir du monde réel (real). Telle est la conception que se fait Platon de son rapport à la réalité effective : un royaume des idées indépendant plane au-dessus de la réalité (cet au-delà est la propre subjectivité du philosophe) et se réfléchit, obscurci, en elle. Si Socrate n’a découvert que le nom de l’idéalité qui est passée de la substance dans le sujet, si lui-même est encore ce mouvement accompagné de conscience, le monde substantial de la réalité entre maintenant, réellement idéalisé, dans la conscience de Platon, mais ainsi l’articulation interne de ce monde idéal est aussi simple que celle du monde vraiment substantial qui lui

  1. . Ce long texte définit bien les deux moments de la substance et de la subjectivité, et le processus d’appropriation de l’idéalité par le sujet, processus qui fait tomber ce sujet dans une opposition à la substance privée de sens. Si la Grèce connaissait l’identité abstraite substance-sujet, c’est que le sujet proprement dit n’avait pas surgi. La naissance de ce sujet est la blessure de la nature. La philosophie moderne se mesure, à l’image d’Epicure, au monde devenu irrationnel, elle désire reconquérir l’identité, supprimer la dimension de l’objectivité, l’aliénation. Mais la subjectivité réclame une philosophie qui mette l’accent sur le support (Träger) de l’idéalité, dans son existence (Existenz), et non un système qui gomme ce support au profit du seul développement idéel, comme celui de Hegel. Gommer la dimension du sujet individuel, c’est déjà avoir identifié substance et sujet en faisant de l’idéel une substance, c’est-à-dire s’être donné le résultat auquel on voulait parvenir.