Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/156

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On nous dit que l’amour le plus ancien va au souhait d’être ; sans doute, l’amour le plus abstrait et donc le plus ancien est l’amour de soi, l’amour de son être particulier. Mais c’était déclarer trop nettement la chose, on la reprend de nouveau et on lance autour d’elle, grâce à l’apparence du sentiment, un éclat épuré. Ainsi donc, celui qui perd femme et enfants préfère qu’ils soient quelque part, même s’ils y souffrent, plutôt qu’ils n’aient cessé tout à fait d’exister. S’il s’agissait simplement d’amour, la femme et l’enfant de l’individu comme tels sont conservés de la manière la plus profonde et la plus pure dans le cœur de cet individu, un être beaucoup plus élevé que celui de l’existence empirique. Mais il s’agit d’autre chose. La femme et l’enfant ne sont femme et enfant dans l’existence empirique que dans la mesure où l’individu lui-même existe empiriquement. Que celui-ci préfère les savoir n’importe où, dans un espace sensible, même s’ils y souffrent, plutôt que nulle part, signifie seulement que l’individu veut avoir la conscience de son existence empirique propre. Le manteau de l’amour n’était qu’une ombre, le je empirique dans sa nudité, l’amour de soi-même, l’amour le plus ancien est le noyau, il ne s’est pas rajeuni par une figure plus concrète, plus idéale. Pour Plutarque, le nom de la transformation rend un son plus agréable que celui de la cessation complète. Mais la transformation ne doit pas être qualitative, le « Je » singulier dans son être singulier doit persister ; le nom est donc simplement la représentation sensible de ce qu’il est et doit signifier le contraire. Le nom est donc une fiction mensongère. La chose ne doit pas être transformée, mais seulement placée dans un lieu obscur ; l’interposition du lointain fantastique doit cacher le saut qualitatif (et toute différence qualitative est un saut ; sans ce saut, aucune idéalité).


[2. La nostalgie de la multitude]


Plus loin, Plutarque émet l’opinion que cette conscience de la finitude rend faible et inactif, qu’elle est une mauvaise humeur contre la vie présente ; mais la vie ne disparaît pas ;