Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/157

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au contraire seul disparaît cet être singulier. Si cet être singulier se considère comme exclu de cette vie universelle permanente, peut-il en devenir assez riche et assez plein pour emporter son extrême petitesse toute une éternité ? Cette éternité change-t-elle son rapport à la vie ? Ne demeure-t-il pas plutôt encroûté dans son absence de vie ? Est-ce que cela ne revient pas au même qu’il se trouve aujourd’hui dans ce rapport d’indifférence à la vie, ou que ce rapport dure 100 000 ans ?


À la fin, Plutarque dit carrément qu’il ne s’agit pas du contenu, ni de la forme, mais de l’être de l’individu singulier. Il faut être, même si c’est pour être déchiré par Cerbère. Quel est donc le contenu de sa doctrine de l’immortalité ? C’est que l’individu, abstrait de la qualité qui lui donne ici sa situation individuelle, persiste non comme l’être d’un contenu, mais comme la forme atomistique de l’être ; n’est-ce pas la même chose que dit Épicure : que l’âme individuelle se dissout et retombe dans la forme des atomes. Attribuer à ses atomes comme tels un sentiment (bien que l’on avoue que le contenu de ce sentiment est indifférent), n’est qu’une représentation inconséquente. Dans sa polémique contre Épicure, Plutarque ne fait donc qu’exposer l’enseignement d’Épicure ; il n’oublie pas cependant d’exposer partout le μὴ εἶναι (non-être) comme la chose la plus effrayante. Ce pur être pour soi est l’atome. Quand, en général, on assure l’immortalité à l’individu, non pas dans son contenu (lequel, dans la mesure où il est universel, existe universellement en soi-même, et, dans la mesure où il est forme, s’individualise éternellement), mais à l’individu comme être individuel, la différence concrète de l’être pour soi tombe et cela revient à l’affirmation que l’atome comme tel est éternel, et que ce qui est animé retourne à cette forme fondamentale qui est la sienne.

Épicure expose jusqu’à ce point cette doctrine de l’immortalité. Mais il a suffisamment de philosophie et de logique pour appeler la chose par son nom, pour dire que l’être animé en question retourne à la forme atomistique.