Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se sent le plus moral et le plus libre de celui qui sort justement de la salle de classe de Plutarque, pénétré de l’injustice du fait que les hommes bons, avec la mort, perdent le fruit de leur vie, ou de celui qui voit l’éternité comblée et qui entend le chant hardi et tonitruant de Lucrèce :

… Acri
Percussit thyrso laudis spes magna meum cor
et simul incussit suavem mi in pectus amorem
Musarum, quo nunc instinctus mente vigenti
avia Pieridum peragro loca nullus ante
trita solo juvat integros accedere fontis
atque haurire, iuvatque novos decerpere flores
insignemque meo capiti petere inde coronam,
unde prius nulli velarint tempora Musae ;
primum quod magnis doceo de rebus et artis
religionum animum nodis exsolvere pergo,
deinde quod obscura de re tam lucida pango
carmina musaeo contingens cincia lepore.

I 922-934[1].

Celui qui ne prend pas plus plaisir à construire le monde entier avec ses propres moyens, à être un créateur de monde, qu’à rôder éternellement dans sa propre peau, sur lui l’esprit a prononcé son anathème, il est marqué par l’interdit, mais par un interdit inversé ; il est écarté du temple et de la jouissance éternelle de l’esprit et il est reconduit à chanter des berceuses sur sa propre béatitude privée, et, la nuit, à rêver de lui-même.

  1. . Mais l’espoir de la renommée m’a fortement frappé l’esprit de son bâton de thyrse / et cet espoir éveilla en mon âme le désir si doux / des muses, et maintenant, plein de désir et l’esprit vigoureux, / je me promène dans la lointaine contrée du mont Pierus, que personne n’avait encore foulée. / C’est là que j’ai la joie de trouver des sources vierges / et d’y puiser, et celle de cueillir des fleurs fraîchement écloses / et de me les tresser autour de la tête comme une couronne royale ; / à personne auparavant les Muses n’avaient ainsi couvert les tempes. / D’abord, en effet, mon poème enseigne des choses de première grandeur. / Je cherche à délivrer l’âme des liens de la religion, / ensuite, au sujet d’une chose obscure, j’écris un poème si lumineux / qui atteint dans sa totalité la grâce des Muses.