Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/183

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moderne. Ce serait plutôt la séparation éternelle de deux domaines que leur unité, séparation qui est sans doute aussi un rapport, car toute séparation est séparation d’une unité. Cela voudrait seulement dire que le philosophe Socrate est au Christ comme un philosophe à un professeur de religion. On a beau introduire une ressemblance, une analogie entre la grâce et l’art de l’accoucheuse, l’ironie, que pratique Socrate, cela ne fait que porter à l’extrême la contradiction et non l’analogie. L’ironie socratique, telle que la conçoit Baur et telle qu’on l’a comprise avec Hegel, c’est-à-dire le piège dialectique qui fait tomber le sens commun non pas dans un accroissement de savoir bien confortable, mais dans la vérité qui lui est à lui-même immanente, en le faisant sortir de son encroûtement dans le divers, cette ironie n’est rien d’autre que la forme de la philosophie telle qu’elle se rapporte subjectivement à la conscience commune. Le fait qu’elle a en Socrate la forme d’un homme, d’un sage ironique, découle du caractère fondamental de la philosophie grecque et de son rapport spécifique à la réalité : chez nous, c’est Frédéric Schlegel qui a enseigné l’ironie comme formule universelle immanente, pour ainsi dire comme philosophie. Mais, selon l’objectivité, selon le contenu, c’est aussi bien Héraclite, qui non seulement méprise le sens commun mais le déteste, c’est même Thalès qui enseigne que toute chose se compose d’eau, alors que tout Grec savait qu’il ne pouvait pas vivre d’eau, c’est Fichte avec son moi créateur du monde, alors que même Nicholaï reconnaissait qu’il ne pouvait pas créer un monde, ce sont tous les philosophes qui font valoir l’immanence contre la personne empirique, qui sont des ironistes.

Dans la grâce, par contre, ce n’est pas seulement le sujet qui, grâcié, en vient à reconnaître ses péchés, mais c’est aussi celui qui grâcie et celui qui s’élève au-dessus de la reconnaissance des péchés, qui sont des personnes empiriques.

Si donc il y a ici une analogie entre Socrate et le Christ, ce ne peut être que celle-ci : Socrate est la philosophie personnifiée, le Christ est la religion personnifiée. Mais il ne