Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/232

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d’une philosophie, pour laquelle, comme pour les vieilles commères ignorantes, tout semble se produire par le fatum ?… Epicure nous a délivré, et nous a installé dans la liberté[1]. »

C’est ainsi qu’Epicure lui-même nie le jugement disjonctif, pour n’être pas contraint de reconnaître une quelconque nécessité[2].

On affirme bien aussi de Démocrite qu’il a fait intervenir le hasard ; mais des deux passages qui se trouvent à ce sujet chez Simplicius[3] l’un rend l’autre suspect, car il montre de manière évidente que ce n’est pas Démocrite qui a fait usage des catégories du hasard, mais Simplicius qui les lui a attribuées comme conséquence. Il dit, en effet, que Démocrite ne fournit aucune raison de la création du monde en général, et qu’il semble donc faire du hasard cette raison. Mais il ne s’agit pas ici de la détermination du contenu, mais de la forme, que Démocrite a consciemment utilisée. Il en va de même du témoignage d’Eusèbe : Démocrite aurait fait du hasard le maître absolu de l’universel et du divin, et affirmé que sur ce plan il régissait tout, tandis qu’il l’aurait écarté de la vie humaine et de la nature empirique, tout en traitant de fous ceux qui le proclamaient[4].

D’une part, nous voyons ici une simple déduction fabriquée de toutes pièces de l’évêque chrétien Denys ; d’autre part, là où commencent l’universel et le divin, le concept démocritéen de la nécessité cesse de se différencier du hasard.

Un point est donc historiquement certain : Démocrite fait intervenir la nécessité, Epicure le hasard ; et chacun d’eux rejette le point de vue opposé avec l’âpreté de la polémique.

La conséquence la plus importante de cette différence apparaît dans la manière d’expliquer les divers phénomènes physiques.

  1. . Cic. ibid. I, XX 55 sq.
  2. . Ibid. XXV 70.
  3. . Simpl. ibid.
  4. . Cf. Euseb. XIV 781 sq.