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Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/40

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aucun savoir n’ont lieu une fois pour toutes ; l’action de l’esprit sur le monde et la réaction du monde sur l’esprit instaurent l’irréductibilité de leur alternance. Cette alternance concerne la forme du rapport de la conscience de soi au monde. Prise comme formelle, elle est alternance pure, c’est-à-dire que les situations se partagent en une rigoureuse dichotomie. Si le contenu, selon le processus dialectique, s’enrichit sans cesse de déterminations nouvelles, la forme du rapport semble répéter purement et simplement le couple primordial de rapports : union avec le monde (Savoir) / opposition au monde (Praxis). Hegel semble avoir voulu supprimer la contradiction entre la monotonie de cette répétition et la progression dialectique du contenu, mais il ne pouvait le faire que dans une répétition de la forme et du contenu (Savoir absolu). Marx démontre au contraire que c’est la progression dialectique elle-même qui condamne la répétition formelle du couple de rapports à sa monotonie[1]. C’est ainsi que, dans les moments d’opposi-

  1. . L’alternance est davantage l’indication d’une difficulté que la production d’une solution : difficulté à penser la scission histoire/philosophie dans les termes d’une philosophie dont l’esprit et l’expression récusent une telle scission. Hegel avait critiqué cette notion d’alternance, à propos de la dialectique fini/infini. « Dans l’alternance monotone des deux termes, la contradiction un instant écartée reparaît l’instant d’après. La solution toujours différée apparaît à la fois nécessaire et impossible. » (G. Noël, la Logique de Hegel, éd. Vrin, p. 29.)

    Hegel dit : « Il y a un dépassement abstrait qui reste incomplet en ce sens qu’on ne le dépasse pas lui-même. L’infini existe ; il se laisse cependant dépasser, et on le fait en posant une nouvelle limite, auquel cas on retourne au fini. Ce mauvais infini est en soi la même chose que le devoir-être éternel… Cet infini n’est tel que par rapport à son autre, qui est le fini. La progression à l’infini n’est, par conséquent, qu’une répétition monotone, une alternance fastidieuse, toujours la même, du fini et de l’infini. » Science de la logique, trad. S. Jankélévitch, éd. Aubier, tome I, p. 144. Ce texte traduit la difficulté centrale de la pensée dialectique :

    — ne pas pouvoir penser l’absence de solution dans la dialectique ;

    — ne pouvoir empêcher que la solution, indéfiniment affirmée, ne puisse l’être que dans une répétition ;

    — ne pouvoir concevoir un processus de développement infini sans retomber dans l’alternance condamnée.

    Rien n’est plus étranger à Hegel qu’une pensée de l’alternance, car l’alternance est en son fond répétition, et la répétition nie la dialectique