Le matérialisme avait été défini par Hegel comme l’antithèse de la philosophie. Dans la Science de la logique, la mesure des différentes philosophies doit estimer la manière dont elles ont mis en œuvre le principe philosophique par excellence, l’idéalisme[1]. D’un point de vue plus précis, il dit ailleurs que le matérialisme et le théisme « sont deux parties d’un seul et même principe fondamental[2] ». La critique menée par Marx de la philosophie de Strauss et de Bauer permet de peser exactement ces vues.
Selon Hegel, il faut « résoudre la compacité de la substance et élever cette substance à la conscience de soi ». La conscience de soi, définie par Feuerbach comme attribut de l’homme, apparaît chez Bauer comme la substance élevée à la conscience de soi.
- ↑ . Hegel, Science de la logique, trad. Jankélévitch, Aubier, tome I, p. 158.
- ↑ . Passage de la Phénoménologie de l’Esprit, cité dans la Sainte Famille, p. 158. Il s’agit de Spinoza et le principe en question est celui d’un Absolu sans prédicat.
- ↑ . Cette analyse de la critique du système hégélien ne doit pas être comprise dialectiquement, c’est-à-dire à la manière de Hegel. Les deux moments unilatéraux ne sont pas en position de progrès dialectique et les éléments qu’ils travestissent (l’homme, la nature) préexistent comme la vérité vers laquelle la philosophie se dirige. Ceci ne contredit pas l’idée d’un développement intérieur à la spéculation. Simplement, Marx se place ici du point de vue de l’achèvement de ce développement, c’est-à-dire au-delà de Hegel. Le ton n’est plus dialectique parce que le renversement de Feuerbach aboutit à une philosophie non dialectique. C’est donc le mouvement même de la philosophie de Hegel (développement qui s’arrête et s’accomplit) qui se trouve ici repris et « renversé ».