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de juin 1848 au 13 juin 1849
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des espérances et des désillusions révolutionnaires, les différentes classes de la société française ne pouvaient plus compter que par semaines leurs époques d’évolution qu’elles comptaient jadis par demi-siècles. Une partie considérable des paysans et des provinces était révolutionnée. Non seulement on était désillusionné sur le compte de Napoléon, mais le parti rouge offrait à la place du nom le contenu, à la place de la libération illusoire des impôts le remboursement du milliard payé aux légitimistes, la réglementation des hypothèques et la suppression de l’usure.

L’armée, elle-même, était atteinte de la fièvre révolutionnaire. Elle avait, en élisant Bonaparte, voté pour la victoire et il lui avait donné la défaite. Elle avait voté pour le petit caporal derrière lequel se cache le grand capitaine révolutionnaire et il lui rendait les grands généraux derrière lesquels se dissimulait le caporal en guêtres blanches. Il n’est pas douteux que le parti rouge, le parti des démocrates coalisés ne dût, sinon remporter la victoire, du moins avoir à fêter de grands succès ; que Paris, l’armée, une grande partie des provinces ne dussent voter pour lui. Ledru-Rollin, le chef de la Montagne, fut élu par cinq départements. Aucun des chefs du parti de l’ordre ne remporta semblable victoire, aucun nom du parti prolétaire proprement dit. Cette élection nous dévoile le secret du parti démocrate-socialiste. La Montagne, avant-garde parlementaire de la