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la lutte des classes en france

en un faible murmure dès le début de la bataille. Les spectateurs cessent de se prendre « au sérieux » et la pièce tombe platement comme un ballon plein d’air qu’une aiguille a piqué.

Il n’y a pas de parti qui s’exagère davantage les moyens dont il dispose que le parti démocratique ; il n’y en a pas qui s’illusionne davantage sur la situation. Une partie de l’armée avait voté pour elle : la Montagne était convaincue que l’armée se révolterait en sa faveur. Et à quelle occasion ? Sous un prétexte qui ne pouvait signifier que ceci : les révolutionnaires prenaient parti pour les soldats de Rome contre les soldats français. D’autre part, les souvenirs de juin 1848 étaient encore trop frais pour que le prolétariat ne ressentît pas une antipathie profonde à l’égard de la garde nationale et les chefs des sociétés secrètes une méfiance décisive à l’égard des chefs de la démocratie. Pour neutraliser ces différends, il fallait qu’un grand intérêt commun fût en jeu. La violation d’un paragraphe constitutionnel abstrait ne pouvait offrir cet intérêt. La constitution n’avait-elle pas été violée à plusieurs reprises de l’aveu des démocrates mêmes ? Est-ce que les journaux les plus populaires ne l’avaient pas représentée comme une œuvre contre-révolutionnaire ? Mais le démocrate, parce qu’il représente la petite bourgeoisie, c’est-à-dire une classe intermédiaire où s’émoussent les intérêts de deux classes, se croit tout à fait supérieur à l’antagonisme des classes. Les démocrates