entendre le cri de : « vive Napoléon ! vivent les saucissons ! », Changarnier prit ses dispositions pour qu’au moins l’infanterie qui défilait sous les ordres de son ami Neumayer observât un silence de fer. Comme punition le ministre de la Guerre releva, à l’instigation de Bonaparte, le général Neumayer de son poste à Paris sous prétexte de le nommer général en chef des 14e et 15e divisions. Neumayer refusa ce déplacement et dut ainsi prendre sa retraite. Changarnier, de son côté, publiait, le 2 novembre, un ordre du jour où il défendait aux troupes de se permettre sous les armes aucun cri, aucune démonstration politique d’aucune espèce. Les feuilles à la dévotion de l’Élysée attaquèrent Changarnier, les journaux du parti de l’ordre s’en prirent à Bonaparte, la commission permanente multiplia ses séances secrètes où à plusieurs reprises on proposa de déclarer la patrie en danger ; l’armée parut divisée en deux camps ennemis ayant chacun son état-major siégeant l’un à l’Élysée où habitait Bonaparte, l’autre aux Tuileries où demeurait Changarnier. Il semblait que la réunion de l’Assemblée eût suffi pour donner le signal du combat. Le public français jugea ces frottements entre Bonaparte et Changarnier comme ce journaliste anglais qui les a caractérisés dans les termes suivants : « Les souillons politiques de la France détournent la lave brûlante de la révolution avec de vieux balais et se querellent en accomplissant ce travail. »
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le xviii brumaire de louis bonaparte
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