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Page:Marx - La Lutte des classes en France - Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, 1900.djvu/378

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la lutte des classes en france

faiteur patriarcal de toutes les classes ; mais il ne peut rien donner à l’une, sans l’enlever à l’autre. De même qu’à l’époque de la Fronde on disait du duc de Guise qu’il était l’homme le plus obligeant de France parce qu’il avait transformé tous ses biens en obligations que ses partisans avaient envers lui ; de même Bonaparte aurait voulu être l’homme le plus obligeant de France et convertir toute la propriété, tout le travail de la France en une obligation personnelle envers lui. Il aurait voulu voler toute la France pour pouvoir lui en faire cadeau après, ou plutôt pour qu’il lui fût possible d’acheter la France avec l’argent français, car, comme chef de la société du 10 décembre, il est clair, qu’il lui faut acheter ce qui doit lui appartenir. Tout sert à acheter, les institutions d’État, Sénat, Conseil d’État, corps législatif, la Légion d’honneur, la médaille militaire, les lavoirs, les Travaux publics, les chemins de fer, l’état-major sans soldats de la garde nationale, les biens confisqués de la maison d’Orléans. Chaque place de l’armée, du mécanisme gouvernemental devient un moyen d’achat. Le principal dans cette affaire où l’on volait la France pour lui faire des dons fut ce qui revint en dividende au chef et aux membres de la société du 10 décembre. Le mot d’esprit par lequel la comtesse L., maîtresse de M. de Morny, a caractérisé la confiscation des biens des d’Orléans : « C’est le premier vol de l’aigle », s’applique à chacun des essors de ce corbeau. L’aigle et ses