Page:Marx - Travail salarié et capital, 1931.djvu/48

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Prenons un exemple. Un fermier donne à son journalier 50 centimes par jour. Pour ces 50 centimes, celui-ci travaille toute la journée dans les champs du fermier et lui assure ainsi un revenu de 1 franc. Le fermier ne se voit pas seulement restituer les valeurs qu’il doit céder au journalier, il les double. Il a donc utilisé, consommé les 50 centimes qu’il a donnés au journalier, d’une façon féconde, productive ; il a acheté pour ces 50 centimes le travail et la force du journalier qui font pousser des produits du sol pour une valeur double et qui transforment 50 centimes en 1 franc. Par contre, le journalier reçoit à la place de sa force productrice, dont il a cédé les effets au fermier, 50 centimes qu’il échange contre des moyens de subsistance qu’il consomme plus ou moins rapidement. Les 50 centimes ont donc été consommés de double façon, de façon reproductive pour le capital, car ils ont été échangés contre une force de travail qui a rapporté 1 franc ; de façon improductive pour l’ouvrier, car ils ont été échangés contre des moyens de subsistance qui ont disparu pour toujours et dont il ne peut s’assurer la valeur qu’en répétant le même échange avec le fermier. Le capital suppose donc le travail salarié, le travail salarié suppose le capital. Ils sont la condition l’un de l’autre ; ils se créent mutuellement.

L’ouvrier d’une fabrique d’étoffes de coton ne produit- il que des étoffes de coton ? Non, il produit du capital. Il produit des valeurs qui servent à leur tour à commander son travail afin de créer au moyen de celui-ci de nouvelles valeurs.

Le capital ne peut se multiplier qu’en s’échangeant contre de la force de travail, qu’en créant du travail salarié. La force de travail de l’ouvrier salarié ne peut s’échanger que contre du capital, en accroissant le capital, en renforçant la puissance dont il est l’esclave. La multiplication du capital est par conséquent la multiplication du prolétariat, c’est-à-dire de la classe ouvrière.

L’intérêt du capitaliste et de l’ouvrier est donc le même, prétendent les bourgeois et leurs économistes. En effet ! L’ouvrier périt si le capitaliste ne l’occupe pas. Le capital disparaît s’il n’exploite pas la force de travail, et pour l’ex-