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Page:Mary - Roger-la-Honte, 1887.djvu/19

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Elle se contenta de regarder sa mère, longuement. Et, répondant à l’interrogation muette de la jeune femme :

– Non, mère, redit-elle, je n’aurai rien vu… je n’aurai rien entendu…

Sa mère lui ouvrit les bras en pleurant. Elle s’y jeta et toutes deux s’étreignirent longuement ; mais la petite fille ne pleurait pas.

Elles restèrent ainsi, serrées l’une contre l’autre, frissonnant au moindre bruit, ayant peur, pelotonnées tout au fond de la chaise longue, ayant encore, toujours, devant les yeux, le spectacle du meurtre…

Soudain, elles tressaillent et se lèvent brusquement, mais Suzanne n’abandonne pas sa mère dont elle enveloppe la taille de ses petits bras.

La grille qui sépare la pelouse de la rue de Versailles, vient de s’ouvrir en grinçant.

Des pas écrasent le gravier, autour du jet d’eau… une clé grince dans la serrure de la porte d’entrée…

– C’est lui ! c’est lui !… murmura Henriette.

Et Suzanne serre sa mère plus étroitement encore.

En effet, c’est Roger Laroque. Henriette a reconnu sa marche. Elle éteint la lampe, laissant seulement la veilleuse allumée, et elle ferme sa porte. Elle tremble que son mari n’entre chez elle.

Elles écoutent, effarées, les pas qui se rapprochent, qui montent l’escalier, qui traversent le salon… qui s’arrêtent… La mère et la fille ne respirent plus.

Roger est derrière la porte de la chambre de sa femme. Que va-t-il faire ? Est-ce qu’il veut entrer ? Non, il écoute, pour savoir si sa femme est couchée…

– Henriette !… Henriette ! Dors-tu ?

Elles n’ont garde de répondre… Et la mère a mis la main sur les lèvres de sa fille !…

Roger est persuadé qu’elles reposent.