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Page:Mary - Roger-la-Honte, 1887.djvu/35

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Qui sait ce qu’elle va dire ?… Ah ! si elle se taisait, elle aussi ?… Roger serait sauvé !… Et Henriette et Suzanne pourraient impunément mentir !…

Mais pourquoi se tairait Victoire ?…

Depuis deux jours seulement au service de Mme Laroque, elle n’a pour sa maîtresse aucune amitié, — l’affection n’a pas eu le temps de naître, — elle n’a pour elle qu’un dévouement vulgaire qui né résistera pas ; Aux sévérités et aux menaces de M. Lacroix…

Mais si Henriette achetait le silence de cette fille ?

Oui, cela, du moins, était possible.

Elle lui donnera tout ce qu’elle possède… Elle vendra ses bijoux, Au besoin. Elle promettra cinq mille francs, dix mille francs, mais Victoire se taira ; il faut, à tout prix, qu’elle se taise.

Et, tout de suite, dans la fièvre de cette résolution ; suprême, elle sonne sa femme de chambre.

Suzanne, doucement, s’approche de sa mère.

— Mère ! dit-elle… As-tu entendu tout à l’heure ce que j’ai dit ? Henriette l’embrassa avec passion.

— Oui, ma chérie, répondit-elle à voix basse-c’est ainsi qu’il fallait parler… Souviens-loi de ce que tu as promis !…

— Oh ! mère, je me souviens…

— Et si des hommes, des étrangers au visage dur, t’interrogent, te menacent, tu ne leur céderas point ? Tu n’auras pas peur ?…

— Non, mère, je penserai à toi…

— Et ta mère ne te promet pas de t’aimer plus qu’elle t’aime, mon amour, car ce n’est pas possible et son cœur éclaterait…

Victoire ne venait pas. Henriette sonna de nouveau, plus longtemps. Ce fut le cocher qui entra.

— Où est donc Victoire ? demanda Mme Laroque.

— Elle est sortie, mais je suppose qu’elle doit être dans la rue, à regarder la maison d’en face, et à causer du crime avec tout le monde.

— Allez la chercher… J’ai besoin d’elle… sur-le-champ…

Le cocher se hâta d’obéir. Quelques minutes s’écoulèrent. La pauvre femme était dans un état lamentable. Ses yeux égarés étaient ceux d’une folle.

Le cocher remonta. Il revenait seul.

— C’est bien ce que je pensais, dit-il. Victoire était là, tout à l’heure, devant la maison du père Larouette. On l’y a vue. On lui a parlé. Mais elle a disparu du côté de Ville-d’Avray. Madame l’a sans doute envoyée en course ?