Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/127

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Je reste piétinée, écrasée ! Ah ! les fleurs
Qui sont mortes de froid et gisent sans couleur
Ne peuvent refleurir ! Voici l’heure venue
De reprendre chacun nos routes inconnues,
Et mon âme te crie un éternel adieu
Du seuil de ces palais que j’avais faits radieux,
Et dont nos pas jamais n’ont pu franchir la porte.
Tu ne me suivras pas où je vais. Je suis morte
Aux baisers des bonheurs dans nos beaux paradis !

Et Nadine debout, implacable, tendit
À Pierre ses deux mains qu’il serra dans les siennes
Ainsi que deux anneaux d’une chaîne se tiennent.
Et, s’étant dégagée, il la vit s’éloigner
En frôlant le chemin de son pas résigné,
Puis elle s’effaça dans l’ombre comme un voile…
Et là-haut dans le ciel pleurait l’or d’une étoile !

Pierre resta longtemps interrogeant la nuit ;
Le bois était muet et l’espoir avait fui.
Comme un homme ivre il prit le chemin du village
Et des ailes passaient, noires, dans son sillage.
Sur la route longeant la rivière de plomb
Qui traînait du silence en ses replis profonds,
Il rencontra une ombre à la marche connue ;
C’était le Sécheret. Alors, à cette vue,
Et comme réveillé, il alla droit à lui
D’un pas ferme et sonore où résonnait le bruit



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