Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



Elle se tut voyant le regard du jeune homme
Et sa joue apparut rouge comme une pomme.
Elle ouvrit une armoire où l’odeur du pain bis
Sur la planche aligné caressait l’appétit.
Se haussant sur les pieds elle y chercha trois tasses
Qui avaient l’air jovial et portaient sur la face,
Écrits en lettres d’or, ces mots : Bonheur ! Santé !
Et comme la bouilloire avait assez chanté
Comme un lointain ruisseau et d’une voix égale
En lançant au plafond un flot de vapeurs pâles,
Elle répandit l’eau sur le café joyeux
En inclinant le front d’un geste gracieux.
L’arome s’exhala dans toute la cuisine ;
Comme un simple bonheur il flottait, et Nadine
Emplissant chaque tasse où fumaient des vapeurs
Augmentait le parfum dont s’égayaient les cœurs.
Pierre silencieux n’avait d’yeux que pour elle
Et ses lèvres disaient : Merci, Mademoiselle !

Tous trois goûtaient le charme enveloppé de paix
Qui monte de l’amour aux heures où il naît
Et qu’il est un mystère où tout sourit et chante
Comme chante la terre aux rayons qui l’argentent.
Tour à tour ils parlaient et devisaient gaîment,
Et la tante pensait : « Ils ont l’âge charmant
Qui met des souvenirs sur mon soir solitaire ;
Ah ! s’ils pouvaient s’aimer ! Je quitterais la terre
Sans crainte de laisser Nadine sans foyer…



20