Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/28

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Courait, léger, dans l’air, et par-dessus les haies
Les bras des crucifix aux lamentables plaies
Bénissaient le bonheur qui passait dans le vent.
Toute vie espérait comme au soleil levant.

Par les soirs, veloutés comme des fruits d’automne,
Quand les rameaux pensifs de mystère frissonnent
Nadine attendait l’heure où Pierre à son retour
Éveillait le chemin du bruit de son pas lourd.
Et l’entendant venir elle courait, agile,
Au devant de l’ami sur la route tranquille.
Un bonsoir amical tintait comme un baiser,
Et cette vision suffisait à bercer
De bonheurs entrevus le sommeil de ses rêves.
Dans les matins légers, diligente et sans trêve,
Elle ornait la maison des fleurs de son courtil,
Veillait à chaque chose : entr’ouvrait le fenil,
Jetait aux coqs bruyants les graines coutumières
Et sur l’herbe des prés dans des flots de lumière
Alignait au soleil l’éclat des linges blancs.
On entendait son pas, sa voix, ses chants
Dans toute la maison dont elle était la vie ;
Puis elle s’en allait de tendresse fleurie
Porter à sa malade un rayon de bonheur
Dans l’ombre où s’éteignait de ses yeux la lueur.
or, un jour, tristement, sur le toit des chaumines
Descendirent les voix des cloches argentines



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