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Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/32

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Comme au temps d’autrefois on se croit plus malin
Et que père et que mère, et nos gars sont enclins
À n’agir qu’à leur guise. Aussi veillons que Pierre
Suive nos volontés,
Suive nos volontés, — Ainsi sera, j’espère,
Dit le meunier. Crois-tu qu’il ferait autrement ?

— Je ne sais ; mais on dit qu’on l’a surpris souvent
Jasant avec Nadine et même qu’à la fête
Il se serait vanté d’avoir fait sa conquête.
La fille est fort habile !
La fille est fort habile ! — Ah ! ça ! fit le meunier
Fronçant le sourcil et d’un geste coutumier
De colère, jetant son bonnet sur la table,
Je voudrais bien l’y voir ! Nous croit-elle capables
De la prendre pour bru ? Une fille sans sou
Qui sait à peine lire et qui vit dans un trou !
Ah ! non, mille fois non !… Assez de bavardage
Donne aux poules le grain, je retourne à l’ouvrage.

On entendit son pas sonner sur l’escalier
Tandis que répondant à l’appel familier
Au seuil de la maison accouraient coqs et poules
Caquetant, trébuchant, s’enflant comme une houle.
Ils picotaient les grains, cou tendu, bec hâtif,
Hérissant leurs duvets aux affamés tardifs
Et là-bas ruisselait dans l’or de la lumière
L’éternelle chanson des flots de la rivière.



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