Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/37

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Elle la reconnaît, c’est Pierre, c’est l’aimé !
Le voici qui s’avance, il paraît tout charmé
De l’heureuse rencontre et vient s’asseoir près d’elle
Et les mots aussitôt volent comme des ailes.
Soudain Pierre se tait, Il veut faire l’aveu
Qui tourmente ses jours, mais les mots sinueux
Comme des oiseaux pris à la glu, s’embarrassent,
Se brouillent dans sa tête, et l’aveu, quoi qu’il fasse,
Des palais de son cœur hésite à s’envoler.
Notre amoureux bégaie, incompris, désolé ;
Il est comme un poète en quête d’une rime
Parmi les mots épars et tous leurs synonymes.
Il s’attarde à l’un, à l’autre, et Nadine rit,
Feint d’entendre autrement le sens des mots meurtris.
Enfin n’y tenant plus, sentant battre en lui-même
Les tambours de l’audace, il lui dit : Je vous aime !

Nadine a frissonné, son front est incarnat ;
Mais le trait est lancé, rien ne l’arrêtera.
Pierre aussitôt reprend d’une voix assurée :
— Je vous aime, Nadine, et la longue durée
D’un amour que j’ai tu doit finir aujourd’hui.
J’ai beau faire, partout votre image me suit
Comme l’ombre le corps ; et tantôt je suis triste,
Tantôt je suis joyeux sans qu’une cause existe.
Si j’entends les ruisseaux chanter dans les roseaux
Les ruisseaux sont ta voix. Si le front des bouleaux



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