Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/54

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Dont le cœur à la lèvre exhale une vipère.
Tout l’or est dans son âme, et toutes les misères
Ont leur étoile en elle. Aussi ne croyez pas
Qu’elle m’ait enjôlé ; j’ai marché dans ses pas
Parce que j’ai voulu. C’est moi qui sur sa route
Ai jeté mon amour afin qu’elle l’écoute,
Et puisqu’elle a tremblé aux mots que je semais,
Je lui suis et lui reste attaché à jamais.

— C’est ce que nous verrons, clama le meunier blême,
Car j’irai, oui, j’irai le lui crier moi-même
Qu’elle est une intrigante aux provoquants regards,
Rôdeuse de chemins et voleuse de gars.
Les injures pleuvront sur elle à coups de pierres,
Et nous verrons jusqu’où…
Et nous verrons jusqu’où…— Inutile, dit Pierre,
C’est promis, elle sera ma femme.
C’est promis, elle sera ma femme.À ces mots
Le meunier s’empourpra comme un coquelicot.
Il bondit de colère et comme une massue
Son poing frappa la table. Il criait : « La sangsue !…
Je te chasserai… Je te déshériterai…
Et jamais, entends-tu, tu ne pourras rentrer.
Tu iras avec ta… »
Tu iras avec ta… »— Là, là, dit la meunière
Se levant, calme-toi, ce n’est point la manière
De convaincre les gens ; Pierre n’est pas méchant,
Tu as été trop brusque, et te voilà crachant



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