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Des mots de cabaret. Prends quelque patience,
Le fils réfléchira.
Le fils réfléchira. — Eh bien ! soit, qu’il y pense
Jusqu’à demain. Si je ne suis pas obéi,
Je le chasse. On saura qui est le maître ici.
Et le meunier sortit en fracassant la porte…
Au dehors glapissait la tempête plus forte.

Pierre est dans sa chambre, où sa mère l’a conduit.
Et sa tête et son cœur sont plongés dans la nuit.
En vain sa mère pleure, elle prie et supplie,
Rien n’y fait. Elle dit : « Puisque dans ta folie
Tu persistes, pars donc ; le père est irrité
Et il te chassera. Tu iras habiter
Chez ton oncle Libert et prends-y de l’ouvrage.
Peut-être oublieras-tu cet amour de passage,
Ou ton père calmé sera moins entêté.
Ah ! quels jours de malheur vont pour moi sangloter !
Songe à ta vieille mère, et reviens à sa porte :
À notre âge, vois-tu, on est si vite morte ! »

Ayant baisé son fis avec plus de douceur
Qu’elle n’avait coutume, elle partit. Songeur,
Pierre était resté seul. Dans le ciel de sa vie
Il voyait des oiseaux passer l’aile meurtrie
Et des barques sans voile et des buts sans espoir.
Ses pas marchaient dans l’ombre et son cœur dans le noir.
Mais brillante et plus claire apparut une étoile
Comme un visage aimé qui rejette son voile.



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