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Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/57

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Que je vais en pleurant marcher vers le tombeau
De ma douleur vêtue ainsi que d’un manteau.
Ne reste pas longtemps, car nous sommes les mères
Qui vivons de nos fils comme de la lumière.
Si ton père s’entête, auprès de toi j’irai…
Mais non, il cédera lorsque je pleurerai…
Tiens, prends ceci, dit-elle, en lui donnant sa bourse,
Plus tard je t’enverrai, s’il le faut, des ressources.

Elle bénit son fils d’un doigt mal assuré
Et ne paraissait pas pouvoir s’en séparer.
Enfin, avec douceur, Pierre rompit l’étreinte,
Descendit l’escalier d’où s’exhalait la plainte
De chacun de ses pas. Au seuil de la maison,
Maître Piquin humait l’air froid de la saison
Et regardait au loin le sol vêtu de neige
Et les sapins drapés comme aux jours de cortège.
Pierre passa.
Pierre passa.— Vous le voulez, dit-il, j’irai,
Car je ne puis trahir l’amour que j’ai juré.

— C’est bien fit le meunier d’une voix impassible,
Va !
Va !Et son doigt lui montra la route paisible
Où les moineaux cherchaient leur nourriture en vain,
Et sur les arbres nus, en chœur, piaillaient de faim.
Bien que son cœur tremblât, Pierre, d’un pas rapide
Et ferme s’éloigna. De son regard avide



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