Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/72

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Ayant vu Sécheret, Nadine tressaillit ;
Elle courut à lui, joyeuse l’accueillit
D’un sourire cordial.
— D’un sourire cordial.— Mon brave ami, dit-elle,
Il m’est doux de te voir. Tu es une hirondelle
Pour moi, et voilà que depuis un si long temps
Chaque jour, à mon seuil, vainement, je t’attends !
Tu m’apportes sans doute un message de Pierre ?

— Hélas ! répondit-il, rien en ma gibecière :
Ni lettre, ni parole !
Ni lettre, ni parole !— Est-il donc arrivé
Quelque malheur à Pierre ? ou veut-il m’éprouver ?
Que me caches-tu donc avec tant de mystère ?

— Peu de chose, vraiment ; je ne veux pas le taire
Plus longtemps, car, en vérité, c’est trop méchant
De torturer ainsi une si brave enfant.
Pourquoi Pierre est-il loin ? Souvent la solitude
Cherche à se consoler, et comme on n’est pas prude
À la ferme Tibert, on lorgne les garçons,
Puis on vous les aguiche, on leur dit des chansons,
Et les voilà pincés comme aux lacets des grives.
Et jeunesse n’est pas à tant d’appâts rétive.
Et Pierre, m’a-t-on dit, a déjà fait son choix
D’une blonde aux yeux clairs portant joli minois.

Pour Nadine, ces mots étaient une morsure
Dont son âme saignait comme d’une blessure.



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