Page:Masoin - Nadine, 1914.djvu/75

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Sur l’humide sentier ou la nappe des eaux
Et s’écoulaient sans bruit comme petits bateaux.
Tandis que, revêtus des splendeurs de l’automne,
Les vergers, les taillis effeuillaient leur couronne,
Les sapins du moulin se voyant encor verts
Prenaient un air superbe et se dressaient plus fiers.
Quand Nadine passa sous leurs branches rigides
Et qu’elle vit au bout, comme de pâles rides,
À travers le feuillage apparaître un mur blanc,
Une angoisse saisit tout son être tremblant.
Pourquoi maître Piquin l’avait-il appelée ?
Voulait-il vaincre enfin son amour affolée ?
Peut-être pardonner ? Quelque malheur secret
Lui serait-il caché ? ou serait-il bien vrai,
Et lui prouverait-on que Pierre l’eût trahie ?


Dans la cour murmurante et de travail fleurie
Elle entrait maintenant. Un arôme de paix
Sur l’aile du bonheur du logis s’échappait.
Le bruit, le mouvement disait à son oreille
Qu’ici rien ne mourait, que chaque heure pareille
Suivait la même pente et coulait en chansons
Sans s’inquiéter des jours d’ombres et de frissons.
Et Nadine pensait : Comme il eût fait bon vivre
En ce doux paradis !… Mais une voix de cuivre
Coupa l’aile à son rêve et Madame Piquin
Pria la jeune fille à entrer au moulin.



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